Le soleil brillait, faisant miroiter le lac, éblouissant la jeune fille qui se trouvait devant. Les arbres projetaient de vagues ombres sur la rive, et sur l'eau se trouvaient de beaux nénuphars blancs et roses. Shion regardait d'un air distrait l'eau onduler sous le passage du vent, bousculant les fleurs aquatiques, créant un gracieux ballet. Elle fouilla sa poche à la recherche de rien en particulier, quand elle sursauta et laissa échapper une exclamation étonnée horrifiée.

"Mon...Mon coquillage !"

Elle mit la main dans l'autre poche, mais les deux étaient vides, à son désespoir. Un thalassa, bleu et jaune, était normalement conservé dans la poche, et jamais Shion ne s'en était séparée. Pourtant, lors de son "passage", elle avait sûrement dû le perdre. Des larmes salées vinrent couler sur ses joues mais elle ne chercha pas à s'en débarrasser. Elle se contenta de se diriger vers la rive du lac et de regarder dedans, quand un détail attira son attention. Sur sa joue mouillée, en dessous de son oeil droit, se trouvait maintenant un tatouage, qu'elle reconnut sans peine. "Un thalassa bleu..." songea-t-elle, avec une tendresse triste. Placé de la sorte, il ressemblait à une larme, une larme indélébile.

Shion soupira dans un hoquet, et se laissa glisser sur le sol, s'asseyant au bord du lac, à observer les nénuphars. Elle n'était néanmoins pas trop près de l'eau, de peur de tomber et de souffrir, encore.

Un murmure qui parvint aux oreilles de Shion. Elle releva sa tête et ses yeux tombèrent sur de jolies créatures humanoïdes qui semblaient sorties du lac. Comment était-ce possible ? Aucun humain ne pouvait accomplir ce prodige. La petite se mit donc à douter de l’identité de ces petites filles. Des monstres ? Des êtres surnaturels ? Elle ne savait pas et lorsque c’était inconnu d’elle, la couleur ne voulait pas s’en mêler. Pourtant, les petites créatures s’étaient approchées et la bousculaient maintenant de questions anodines mais qui faisaient paniquer Shion. Jamais on ne l’avait accostée comme ça, jamais noyée sous les questions de tous les jours. Elle ne savait pas ce qu’il se passerait si elle répondait. Des personnes n’hésiteraient pas à parler avec ces petites filles, mais la jeune bleue se refermait comme une huître à chaque question atteignant ses oreilles.  
Enfin, les créatures aquatiques vinrent la pousser, la toucher avec leurs mains. Shion qui n’aimait pas les contacts physiques avec les inconnus, tressaillait à chaque fois, pourtant elle ne s’en allait pas. Que voulaient ces petites ? C’était tellement étranger à la bleue que c’en était effrayant.

Quelques minutes plus tard, la jeune fille ouvrit la bouche et murmura d’une voix effacée, un peu effrayée et légèrement cassée.

"Shion..."

Elle ne savait pas quoi faire, la petite bleue ne pouvait pas partir car elle n’avait plus de force dans les jambes, Astrid seule savait pourquoi.

Des Lumpeens, en arrière, la tête tout juste sortie de l’eau, observent le spectacle avec attention. Leur corps bouge à peine, le lac est tout aussi calme. En attendant de voir ce qu’il se passe, c’est comme si le temps s’était arrêté. Pendant un moment, après toutes ces questions, il n’y eu plus aucun mouvement, plus aucun son. Attentives, étrangement patientes, les yeux grand ouverts tournés vers l’inconnue.

Les trois plus curieuses, près de l’intruse, commençaient pourtant à s’ennuyer. Peu importe leurs questions ou leur entêtement, il ne se passait rien. Elles s’apprêtaient à être déçues et abandonner le triste corps là, sans rien de plus. Mais au dernier moment, enfin, un son!

_ Chiant? _ Ça veut dire quoi ça? _ Pas bien. _ Chiant c’est comme embêtant. J’crois. _ Elle nous trouve embêtantes?! _ Uuuuuuh. _ Chiant, chiant, chiant, c’est bizarre comme mot. _ Ça fait un peu comme chant. _ Oui mais méchamment. _ Chanter méchamment? _ Hein?

Près de la Couleur qui n’avait pas eu la force de dire son nom plus fort, les Lumpeens avaient compris de travers et s’étaient de suite emportées. Elles voulaient s’énerver contre la Couleur d’avoir osée dire qu’elles étaient embêtantes, mais en même temps embêter fait parti de leur principaux principes. Et puis la discussion avait bifurquée bien vite de toute façon. Elles s’échangèrent d’autres paroles assez vite, si vite et pourtant elles arrivaient à se suivre, et le sujet se métamorphosa plusieurs fois jusqu’à ce qu’elles oublie ce qui avait été dit en premier lieu. Elles finirent par s’adresser de nouveau à la Couleur.

_ Sinon tu vas rester là? Tu veux pas jouer avec nous plutôt? _ Rester par terre c’est ennuyeux non? _ C’est sur, l’eau c’est plus agréable. _ Oui, pis c’est drôle. _ Y a des endroits froid et des endroits plus chaud. _ Et on peut nager entre les nénuphars. _ On pourrait faire une course entre nénuphars! _ Ou sauter sur les nénuphars! _ Mais non les Couleurs ça peut pas sauter sur les nénuphars, ils sont trop grand et trop lourds! _ Ooooh…

Il semblerait que les Lumpeens aient mal entendu le prénom de la bleue. Quel dommage, maintenant elles se méprenaient sur elle ! Mais la conversation dériva et de nouveau, Shion fut assaillie sous les questions. Tellement, tellement de questions... La demoiselle ne savait plus où donner de la tête, et les questions continuaient de fuser de toute part, les jolies créatures restant imperturbables devant son angoisse naissante. Que lui voulaient les Lumpeens ? Elle ne savait pas et détestait ne pas savoir.

Enfin, après la vague de questions, plusieurs mots avaient été retenus par Shion. Hésitante, comme toujours, elle les répéta.

"Jouer ? Drôle ?"

Deux mots aux consonances agréables mais pourtant si délictueux... Elle ne savait pas à quand remontait l'utilisation ou même la pensée de ces deux mots. Il y a si longtemps...
Shion fixait maintenant l'eau du lac onduler continuellement sans plus tenir compte de la présence des Lumpeens.